Quelles leçons l’industrie de la sécurité peut-elle tirer de l’armée américaine?

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Par Renato Cudicio, MBA, Président de Glocal Robotics Europe

Le déploiement en France de notre robot autonome de sécurité THALAMUS sur le terrain afin de remplir des missions de surveillance, précédemment assurées par des agents, constitue un réel changement de paradigme dans l’industrie de la sécurité.

Mais quel est l’impact réel de l’introduction de technologies robotiques avancées sur les organisations et comment s’y préparer?

Nous n’avons pas encore d’études solides dans l’industrie de la sécurité sur lesquelles nous appuyer pour l’analyser. Seul le secteur de la défense et particulièrement, évidemment, l’armée américaine a un certain recul sur les avantages et les enjeux d’intégrer des robots – volant, roulant et voguant – dans sa stratégie, c’est-à-dire en tenant compte de tous les aspects, de la formation à la maintenance opérationnelle, en passant par la modification des missions en fonction des capacités de chacun.

Ainsi, alors que notre robot autonome fait des missions pour lesquelles il est imputable, cela vaut la peine de relire le rapport Unmaned Campaign Framework publié au début de cette année par la US Navy. On peut y découvrir des réflexions et des orientations qui ne peuvent que servir l’industrie de la sécurité qui, à son tour, amorce son grand virage robotique.

Si l’on exclut les considérations géostratégiques de l’armée américaine et que l’on en fait une lecture avec la perspective d’un professionnel de la sécurité, on retrouve les mêmes raisons de confier des missions à des robots : augmenter la capacité et les performances des ressources déployées sur le terrain; permettre d’être au plus proche des risques – sans risque pour les agents; et ainsi maintenir un avantage tactique et stratégique.

Pour la US Navy comme pour l’industrie, la question n’est plus de savoir s’il faut déployer massivement des unités autonomes ou mixtes humain-machine, mais à quelle vitesse il est possible de le faire et comment rendre efficient ce processus complexe.

Le rapport fait ressortir, sans insister néanmoins, l’importance des ressources humaines dans l’accomplissement de cette mutation. En effet, pour une grosse organisation, qu’elle soit militaire ou civile, l’introduction de robots modifie en profondeur les modes opératoires, les compétences requises par les personnes interagissant avec ces machines, et le fonctionnement des processus de maintenance.

Souvenons-nous que la montée en compétence du personnel est inversement proportionnelle au degré d’autonomie des machines. Le rapport présente une gradation à cinq niveaux de l’implication humaine, qui s’applique aussi à l’industrie :

  1. Réalisé par un humain – une ronde conventionnelle
  2. Téléopéré par un humain – typiquement une inspection par drone
  3. Supervisé par un humain – plusieurs robots en autonomie partielle contrôlés à distance
  4. Équipe humain-machine – utilisation des capacités de détection et de portage du robot dans une équipe mixte ou dans la répartition de tâches
  5. Autonomie quasi complète – le robot effectue seul des missions et décide des actions à entreprendre en fonction du type d’incident

Dans cette échelle, au plus le robot devient autonome, au plus le niveau d’expertise pour le programmer, le contrôler et le maintenir en opération est élevé. Cela constitue un enjeu d’autant plus grand pour l’industrie de la sécurité, car, en raison de contraintes de rentabilité et de manque de personnel, elle doit viser rapidement à la plus grande autonomie possible.

Mais le niveau 5 de l’autonomie quasi complète a un coût élevé. Le niveau 4 des équipes humain-machine est peu rentable et ne résout pas le problème du manque de ressources humaines. Et ce sont donc les plus grosses organisations qui pourront rapidement tirer leur épingle du jeu en déployant une flotte de robots de niveau 3, c’est-à-dire une série de robots en autonomie partielle, donc moins coûteux à programmer, supervisés par un seul humain capable de résoudre à distance les problèmes complexes rencontrés par les robots de sa flotte.

À titre d’exemple, notre robot THALAMUS est capable de travailler à tous les niveaux, du mode téléopéré à l’autonomie quasi complète. Par défaut, la machine peut se déplacer de manière autonome sur un terrain donné, effectuer des activités de détection d’intrusion, déclencher des alarmes ou diffuser des messages préenregistrés, et transmettre des flux vidéo. Ainsi, le THALAMUS peut fonctionner quasi sans coût additionnel en niveau 3 comme en niveau 5 aussi longtemps que les missions ne lui demandent pas d’acquérir de nouvelles connaissances.

Les investissements additionnels interviennent lorsque l’entreprise désire mettre en place des scénarios complexes faisant appel à de l’apprentissage profond (deep learning) et des processus décisionnels basés sur des algorithmes d’IA particuliers. Cette proportion de sur-mesure qui fait évoluer le niveau d’autonomie du robot de niveau 3 au niveau 5 est donc à évaluer dans une pure logique économique de retour sur investissement, en laissant de côté le désir d’avoir un robot de science-fiction patrouiller son périmètre afin de privilégier un outil robotique, comme le THALAMUS, utilisé au mieux de ses capacités.